Les noix : l’agriculture en forêt

Le verger familial s’étend sur 14 hectares à Saint-Ambroise-de-Kildare, au nord de Joliette. Là où il y a encore 15 ans s’ébattaient veaux, vaches et cochons, s’épanouissent désormais quelques milliers d’arbres à noix. Une forêt de noyers noirs au beau milieu des grandes fermes de production laitière.

Revamper l’héritage familial

C’est ici, sur l’ancienne ferme familiale laissée à l’abandon, qu’Yvan et Alain Perreault ont décidé en 2007 de lancer une culture d’un nouveau genre. Alain assure alors l’apport financier ; Yvan la vision et l’expertise en matière de comestibles sauvages, développées au cours de ce qu’il qualifie lui-même des années passées « en marge de l’économie de marché, dans la nature ». 

Terre argileuse, trop grande pour la culture organique, trop petite pour la production industrielle, la propriété générationnelle constituait tout un défi. C’est entre les pages du Répertoire des arbres et arbustes ornementaux du Québec que l’idée de la pépinière d’arbres à noix a germé. Pourquoi ne pas planter ces arbres qui, en d’autres temps, ont nourri les communautés autochtones?

À CUISINER : Salade de pommes, noix et endives

Mycologue autodidacte et passionné, intarissable lorsqu’il s’agit d’évoquer les vertus des produits forestiers non ligneux tels les champignons — les fameux PFNL – Yvan confirme son intuition auprès de spécialistes et convainc son frère de se lancer dans l’aventure. Plus de 1 500 arbres sont plantés la première année, des essences qui jadis poussaient dans nos boisés. Mais pour des raisons d’approvisionnement, les nouveaux producteurs agricoles doivent se procurer les plants auprès de pépiniéristes américains.

Avec aujourd’hui près de 3 000 arbres d’une douzaine d’essences différentes, les deux frères peuvent se targuer de constituer une véritable référence avec leur paradis agricole « Au jardin des noix ». Ils offrent désormais des services de dégustation, des cueillettes dirigées, des commandes en ligne, mais aussi des formations à une clientèle de particuliers amateurs de découvertes, de jeunes agriculteurs et de grands restaurateurs. Les chefs des restaurants La Coupole ou encore Les 400 coups adoptent les arômes délicats de leurs noix et noisettes.

« La noix nordique se prépare de la manière la plus simple, en ornementation dans les desserts ou les salades. On la transforme le moins possible, pour en conserver la subtilité, la richesse! » Yvan

À CUISINER : Recette de tarte aux noix et au sucre d’érable

Les fermiers forestiers : une nouvelle ère?

Ayant des vertus gustatives, mais aussi nutritionnelles : les noix viennent à point pour remplacer les protéines animales. « Elles sont aussi nécessairement biologiques, précise Yvan. Comme ces arbres sont parfaitement adaptés à notre climat, ils ne nécessitent aucun apport en pesticide ou autre engrais! » Néanmoins, vivre de sa production reste une gageure : « C’est encore un défi aujourd’hui de prouver la rentabilité d’un verger d’arbres à noix. Tout le monde attend qu’on soit riche pour se lancer! »

N’empêche, la production se porte bien et la ferme se prépare à l’installation de nouvelles machineries prévue en 2018. De quoi être confiant en l’avenir, d’autant que l’entretien du verger et la récolte ne requièrent aucune main-d’œuvre. Yvan parle même de révolution : « J’espère que nous sommes des prototypes d’une agriculture nouvelle, plus cohérente avec notre nordicité. Il faut amorcer un changement durable, faire tomber la frontière entre la forêt et les champs et former de jeunes fermiers forestiers, qui remettront notre patrimoine au cœur de notre table. »