Nicolas Bernard, directeur de la Seigneurie du Triton, en Haute-Mauricie, ne s'est pas fait prié pour parler du passé glorieux de la pourvoirie, autrefois club privé fondé en 1893, qui a reçu des personnages aussi prestigieux que Winston Churchill, Théodore Roosevelt et la famille Kennedy. « Le personnel transportait tout ce qu’il fallait pour que le cuisinier puisse préparer des repas de qualité remarquable, et ce, même s’ils se déplaçaient dans des chalets accessibles seulement par canot et portage, raconte-t-il. Ils allaient jusqu’à apporter des poules dans des cages pour avoir des œufs frais ». Comme dans les autres clubs du genre, il y régnait en effet un art de vivre étonnant, où les vacanciers devaient se présenter en habit pour le repas du soir.
Avec la transformation de ces espaces à la fin des années 70, en parcs gouvernementaux et en pourvoiries privées, tout un pan de cette tradition et de cette sophistication est disparu. Mais depuis quelques années, les choses changent. « La bande de gars qui partent avec ben de la bière et qui mangent du spaghetti et des hot-dogs, ça existe encore, mais ça a changé pas mal, explique Alain Parenteau, directeur du marketing de la fédération des Pourvoiries du Québec, qui regroupe 340 membres. Il y a de plus en plus de familles et de femmes. On assiste à un raffinement de la clientèle et de l’offre ».
Cyril Choquet, spécialiste de la pêche et animateur de l’émission Mordu de la pêche sur Évasion, a aussi constaté cette évolution. « Les gens veulent combiner la pêche avec d’autres plaisirs, dit-il. Pour les pourvoiries, agrandir leur offre permet de répondre à une clientèle autre que les passionnés de pêche ou de chasse. Elles sont devenues des lieux de villégiature et d’hôtellerie complets ».
Voir cette recette de truite au vin blanc et pignons.
Manger les produits de la pêche amateur ou de la chasse reflète l’intérêt grandissant pour l’alimentation bio, mais aussi l’émergence d’une culture gourmande. « Notre cuisine a suivi l’évolution de l’offre phénoménale du terroir québécois des dernières années, explique Nicolas Bernard, qui avec sa conjointe, a repris la gestion du Triton dans les années 90. Notre resto propose de l’agneau du Québec, des fromages et des bières locales ». Alain Parenteau résume ainsi le nouvel esprit qui règne dans les pourvoiries:
« Un propriétaire m’a dit il y a quelque temps : Avant, j’engageais un cuisinier, maintenant, j’embauche un chef ».
Comme d’autres, en plus d’afficher un menu gastronomique, ces pourvoiries offrent d’apprêter les poissons pêchés par les vacanciers. À la Seigneurie du Triton, si votre truite pèse 2 livres ou plus, vous rencontrez le chef pour discuter de la manière dont votre prise sera préparée le soir même. Certaines pourvoiries comme le Triton et le Lac Blanc (aussi en Mauricie) proposent en plus de fumer votre poisson dans leur fumoir maison.
Le midi, on mise sur le shore lunch. Fini – ou presque – les sandwichs ramassés à la volée pour le dîner et gobés dans la chaloupe. À la Pourvoirie du Triton, vous rapportez votre poisson qui sera apprêté sur le barbecue rustique en plein air, aux abords du lac. Au Lac Blanc, l’équipe se déplace pour aller rejoindre les pêcheurs au lac et cuisiner pour eux le poisson sur la grève.
Voir cette recette de truite et son beurre aux amandes.
Il n'y a pas que le poisson qui soit à l'honneur. À la Seigneurie du Triton, vous pouvez aller cueillir des herbes aromatiques en forêt, accompagné d’un guide. Vos herbes seront utilisées dans la préparation du plat, le soir. Idem pour les champignons que vous cueillez en forêt et qu’on vous aidera à sélectionner avant de les cuisiner pour vous. Au Lac Blanc, un séjour sous la tente vous permet aussi de goûter à des ragoûts de gibier d’inspiration amérindienne et à du poisson fumé.
Vous louez un chalet? Vous ne serez pas en reste. L’auberge du Triton propose de tailler en petits cubes la truite que vous avez pêchée pour en faire un tartare de poisson. Vous la ramenez à votre camp avec les ingrédients – dont de l’huile de bolets – que vous mélangerez une fois revenu.
La demande pour ce type d’accueil plus relevé est si forte que la Fédération des pourvoiries du Québec a développé une nomenclature, les Aubergistes de la forêt, où les pourvoyeurs qui l'offrent sont recensés.
En fait, la limite la plus évidente est liée à l’éloignement. À la Seigneurie du Triton, les produits d’épicerie ne sont livrés qu’une fois par semaine, par bateau, puisque c’est la seule manière d’accéder à la pourvoirie. « Comme on est à 3 heures de route du premier grand centre, on garde une carte relativement courte pour s’assurer d’avoir en tout temps une qualité optimale », explique Nicolas Bernard.
Quoi qu’il en soit, avec des mets comme les côtes de sanglier des bois, le duo de gravlax ou le pain fait maison chaque jour, les pêcheurs d’aujourd’hui n’ont rien à envier au lustre d’antan !
Les auberges gourmandes recommandées par les spécialistes
- Club du lac de la Robe-Noire (Côte-Nord) – lacdelarobenoire.com
- Pourvoirie le Fer à cheval (Haute-Mauricie) – feracheval.ca
- Pourvoirie Hipou (Natashquan) – pourvoiriehipou.com
- Domaine Bazinet (Lanaudière) – domainebazinet.com
- Camp Bonaventure (Gaspésie) – campbonaventure.ca
- Seigneurie du Triton (Haute-Mauricie) – seigneuriedutriton.com
- Rabaska Lodge (Hautes-Laurentides) – lerabaska.com
- Lac-à-l’Eau-Claire (Mauricie) – lacaleauclaire.com
- Le Lac Blanc (Mauricie) – pourvoirielacblanc.com
- La Corneille (Côte-Nord) – lacorneille.ca
- Lac Moreau (Charlevoix) – lacmoreau.com
- Les aubergistes de la forêt – Pourvoiries.com
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